'TÉLÉPHONIE Un Grenelle des antennes-relais' - Le Dauphiné Libéré - 23/03/2009



Devant l'inquiétude de la population, François Fillon convoque un colloque sur les antennes-relais de téléphonie mobile le 23 avril. Que faut-il en attendre ?

Les antennes-relais ont d'abord slalomé entre les ministères. Sur une idée de Nathalie Kosciusko-Morizet, désormais secrétaire d'État au Développement numérique mais toujours vigilante sur les questions environnementales, c'est finalement Roselyne Bachelot, la ministre de la Santé, qui a été chargée de mettre en musique le "Grenelle des antennes-relais".

D'abord prévue le 19 mars (¹), puis le 26, la rencontre se tiendra en fait le 23 avril. Jour de la Saint-Georges. Reste à savoir si cette savante assemblée terrassera le dragon des peurs de la population. Rien de moins sûr: dans la lettre de mission à Roselyne Bachelot, le 26 février, François Fillon concluait par un jugement définitif: "L'hypothèse d'un risque pour la santé pour les populations vivant à proximité des antennes-relais de téléphonie mobile ne peut être retenue". Circulez, y a rien à voir !

Dans ces conditions, on se demande bien de quelle souris accouchera ce Grenelle auquel sont conviés les maires et élus de tous acabits, les associations de défense, des ONG, les syndicats, des représentants de l'État et bien sûr les opérateurs de téléphonie mobile réunis sous la bannière de l'Afom (Association française des opérateurs mobiles).

Un peu partout dans l'Hexagone, des collectifs de défense fleurissent pour réclamer le démontage des fameuses antennes ou en entraver l'installation. Il faut dire que des ailes leur poussent depuis que l'association "Robin des toits" enchaîne les victoires devant les tribunaux, à Tassin-la-Demi-Lune (Rhône) et à Châteauneuf-du-Pape (Vaucluse) notamment. La justice n'a pas fait de jaloux: chacun des trois opérateurs, Bouygues, SFR et Orange, a été prié de remballer ses mâts. Au motif qu'ils créent "un trouble de voisinage" ou encore que le risque pour la santé des riverains "est envisageable, voire probable".

À l'Afom, ces jugements ont "surpris". Eric De Branche qui en dirige la communication se dit "perplexe car ces trois décisions de justice vont à l'encontre d'une centaine d'autres". "Il n'y a pas de danger à vivre près d'une antenne-relais" assure-t-il, "nous avons le recul depuis 50 ans avec les émetteurs de télévision et de radio".

En revanche, les opérateurs sont plus prudents concernant l'utilisation du portable: "Il n'y a aucune preuve scientifique du danger" poursuit-il, "mais l'hypothèse du risque n'étant pas exclue, les autorités sanitaires prônent une approche de précaution".

L'obligation de couvrir tout le territoire

Dans cet esprit, les opérateurs ont distribué 7 millions d'exemplaires d'un document de mise en garde et depuis 2002 ils vendent systématiquement avec l'appareil un "kit-oreillette" afin que l'usager tienne son mobile éloigné de la tête.
Au fond, l'Afom redoute que ces décisions ne bloquent les opérateurs dans la couverture de 99% du territoire national, comme l'État leur en fait obligation.
Si les tribunaux détricotent ce que l'État exige, ce n'est pas demain la veille que tous les Français disposeront du téléphone mobile: "C'est pour cela que nous attendons de cette rencontre que le ministère réponde clairement à la question du risque pour la santé" explique Eric De Branche.

L'Académie de médecine, à qui personne ne demandait rien, a tranché par anticipation le 5 mars. Dans un avis (et non une étude), elle affirme que les antennes-relais ne présentent aucun risque. Pile-poil sur la même longueur... d'ondes que le Premier ministre !

Ce discours, Michèle Rivasi en a soupé. La fondatrice de la Criirem (Centre de recherche et d'information indépendantes sur les rayonnements électromagnétiques) et élue de la Drôme n'est "pas hostile à la téléphonie mobile" mais exige que des mesures soient prises. Et en premier lieu que la puissance des antennes-relais soit revue à la baisse: "Pourquoi à Salzbourg, ça marche très bien avec un seuil d'exposition aux ondes électromagnétiques abaissé à 0,6 Volt par mètre alors qu'en France, ce seuil peut atteindre 61 Volts" interroge-t-elle. Même en Chine, pays qui ne passe pas pour un temple du principe de précaution, le seuil maxi est de 6 V/m.

Baisser la puissance des antennes

Elle préconise l'installation de micro-antennes, moins puissantes, sur les murs aveugles des villes: "Je l'ai proposé aux opérateurs en m'engageant à leur trouver les sites à Valence, ils ont refusé" lâche-t-elle. Tout élue qu'elle est, elle reconnaît être désarmée face aux opérateurs: "Ils doivent juste faire une déclaration d'installation et les maires n'ont pas leur mot à dire. Tout juste peuvent-ils exiger un effort paysager pour masquer les mâts".

L'élue écologiste soulève un paradoxe: "Les ondes des portables et celles des antennes sont les mêmes. Dès lors pourquoi prend-on des précautions avec les premiers et pas avec les secondes ?". Quant à la prétendue absence d'études sur les effets néfastes des antennes, Michèle Rivasi s'insurge: "Le Dr Hutter a démontré que les ondes électromagnétiques ont des conséquences sur le comportement et la santé des gens. Une souris exposée aux ondes d'un portable voit son cerveau atteint, c'est démontré. Évidemment l'OMS (Organisation mondiale de la santé) dit le contraire, mais elle avait déjà dit que Tchernobyl n'avait fait que 56 morts et que l'amiante était sans danger...".

Du Grenelle du 23 avril, Michèle Rivasi n'attend guère de surprises. Sans doute un renforcement de la législation sur l'utilisation des téléphones, peut-être leur interdiction pour les jeunes enfants. Mais les antennes-relais, selon elle, n'ont guère de souci à se faire.

C'est si vrai que François Fillon l'a écrit à sa ministre noir sur blanc, le mois dernier...

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Source : http://www.ledauphine.com/un-grenelle-des-antennes-relais-@/index.jspz?article=110361

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Voir également :

- 'Bouygues active ses relais pour sauver ses antennes' - Le Canard Enchaîné - 11/03/2009

- Ondes électromagnétiques et Santé : le Syndicat de la Médecine Générale contre l'Académie de Médecine - 21/04/2009

- Comment un autocrate, le Pr Aurengo, a trahi une démarche participative

- L'ACCIDENT DE TCHERNOBYL VU, QUATORZE ANS APRÈS, PAR LE PROFESSEUR ANDRÉ AURENGO

Robin Des Toits
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