Le rôle de l’exécutif n'est-il pas d’exécuter la norme législative et non d'anticiper l’application d’une norme voulue par les opérateurs?

 

Chères et Chers mandataires de la Région de Bruxelles-Capitale,

Prévoir des campagnes de sensibilisation pour une utilisation responsable des technologies mobiles alors que l'on projette de soumettre l'ensemble de la population, 7 jours/7, 24h/24 à un niveau de rayonnement supérieur à celui subi lors de l'utilisation d'un smartphone n'a aucun sens, sinon la méconnaissance ou le parti-pris.

Vous êtes sur le point de voter un projet de loi, fruit inquiétant - sur la forme comme sur le fond - d'un "protocole d'accord" co-signé en amont par la Région et les opérateurs. A la suite de cet accord, le niveau de protection des Bruxelloises et Bruxellois contre les effets nocifs(1) des technologies mobiles serait réduit par un facteur 6 (des 6V/m actuels aux 14,5V/m projetés : 14,5)^2/(6)^2=5,8). Ce alors que les sources de pollutions électromagnétiques se multiplient et affectent déjà la santé d’un nombre croissant d’individus.

Des certitudes sur la nocivité de ces ondes

Au sein de la communauté scientifique, le consensus sur la nocivité de ces ondes se renforce. Les doutes et les débats font place aux certitudes. Le nombre d'études scientifiques menées par des instituts et organismes respectés qui confirment la nocivité des technologies mobiles pour la santé et l’environnement ne cesse de croître, la compréhension s’affine. Deux études décisives ont vu leurs résultats publiés en 2018 dans la littérature peer-review, l’étude du National Toxicology Program (EU) et celle de l'Institut Ramazzini en Italie. Des scientifiques, médecins et pédiatres de tous pays sonnent l’alerte, s'unissent pour demander des normes réellement protectrices et un moratoire sur le déploiement débridé des technologies mobiles, particulièrement de la 5G (2).

En Belgique, le Dr Jaques Vanderstraeten, membre du Conseil Supérieur de la Santé (CSS) et membre démissionnaire du "Comité d'experts" de la Région, met à présent en garde. Son positionnement s’éloigne de l’avis exprimé par le Comité dont il était encore membre il y a peu. Ceci devrait attirer votre attention, particulièrement quand ce Comité fut aussi créé pour apporter une caution scientifique à la baisse précédente du niveau de protection. Caution que le CSS refusait - et refuse toujours - d'apporter, conservant sa recommandation à 3 V/m. Soit une exposition 23 fois moindre que les 14,5V/m projetés ((14,5)^2 / (3)^2 = 23,4).

Récemment, le Dr Vanderstraeten déclarait à La Libre Belgique que "la préoccupation [au sujet de la 5G] de Paul Lannoye [physicien et eurodéputé qui dénonce les effets nocifs des technologies mobiles depuis des années] parait justifiée". "Il y aurait effectivement lieu de tenir compte des données publiées ces dernières années et qui incitent à la prudence (...) il semble que les recommandations internationales soient trop laxistes et devraient donc être revues. De leur côté, les normes bruxelloises vont être revues à la hausse (...)"(3).

Ce n'est pas refuser le progrès

Tandis que les citoyens se mobilisent pour l'environnement et pour une meilleure gouvernance, moins perméable au lobbying du privé, où la santé et l'environnement primeraient sur la course aux profits, voir le gouvernement signer un tel accord avec les opérateurs, en l’occurrence les pollueurs, pose question. Protocole confirmé par un projet d’ordonnance qui sera soumis prochainement au vote du parlement. Le rôle de l’exécutif n'est-il pas d’exécuter la norme législative et non d'anticiper l’application d’une norme voulue par les opérateurs? Les leçons du tabac, de l'amiante, des farines animales, du glyphosate ne seraient-elles toujours pas intégrées ?

Exiger des technologies mobiles qui respectent notre santé et l'environnement ne signifie pas refuser le progrès, bien au contraire : des normes plus protectrices sont un incitant puissant aux innovations et progrès technologiques. Tant d'autres domaines le montrent, tels les transports ou la construction. Dans le cas des technologies mobiles, jusqu’ici, c'est l'inverse qui se produit, plus les "G" se succèdent et plus la pollution engendrée augmente.

Pourtant le corps humain, particulièrement celui des enfants, nourrissons et femmes enceintes, n'est pas devenu plus résistant aux micro-ondes avec le temps.

Plutôt que de baisser le niveau de protection des citoyens à chaque nouvelle génération de technologies mobiles, il appartient au législateur de revenir à une norme réellement protectrice, la tenir et la défendre. Pour éviter de confiner le débat à la problématique sanitaire, mentionnons pour conclure que la digitalisation - dont la 5G est une composante - supprimera davantage d'emplois qu'elle n'en créera. Les organismes de référence en la matière estiment que 47% d'emplois sont menacés d'ici 10 à 20 ans aux États-Unis (Frey, Osborne), 54% en Europe (Bruegel), 1 million d'emplois en Belgique d'ici 2030 (McKinsey 2017). Enfin, les questions relatives à la protection de la vie privée, des libertés et des intérêts d'État méritent très certainement plus qu'un blanc-seing sur notre avenir.

 

(1) Les principaux effets observés à courts termes sont : insomnies, fatigue chronique, troubles cardiaques, troubles de la concentration, perturbations de l’audition, irritabilité, maux de tête, dépressions, immunodéficience, etc. A moyens et longs termes : tumeurs au cerveau et cancers, leucémies, stérilité, etc.

(2) http://www.5gappeal.eu/  , https://emfscientist.org/index.php/emf-scientist-appeal  , etc.

(3) LLB 7 janvier 2018